La magie de la bande dessinée a su opérer en chacun d’entre nous tout au long de notre parcours de vie. Elle a su illuminer les yeux de l’enfant que nous étions et continue aujourd’hui d’éclairer celui que nous sommes devenus. Ce 9e art, de par sa témérité, a tour à tour investi l’histoire, le patrimoine, l’univers de la gastronomie et celui du vin. Elle s’est transformée au fil du temps, en devenant de véritables romans graphiques. Le Mag 247 vous offre une rencontre privilégiée avec le dessinateur Jul, qui nous livre sans détour sa passion des « Bulles » et son Périgord à lui…
L’appel de la Bulle
Pour celui qui depuis son plus jeune âge réalisait déjà de petits journaux dessinés, photocopiés, agrafés par ses soins et vendus à ses camarades de classe pour la somme symbolique de 1 franc, le choix de l’univers de la BD s’est imposé comme une évidence. Malgré de brillantes études Supérieures et un parcours d’enseignant universitaire remarquable en tant que sinologue (Spécialiste de la Chine), l’appel de la bulle semble avoir été plus fort que tout. Avec cette humilité qui le caractérise si bien, Jul tente de desceller en chacun d’entre nous un dessinateur qui s’ignore : « Normalement tout le monde devrait être dessinateur de Bande Dessinée, quand on est enfant et ce dès l’école maternelle avant de savoir écrire, on commence par le dessin, on dessine, on redessine… Mais au moment de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, l’enfant arrête de dessiner. Moi, je ne me suis jamais arrêté ».
Dès les années 2 000, il se consacre au dessin de presse en collaborant avec le Point, l’Humanité et Philosophie Magazine. Son humour décalé, il l’exprimera pleinement au sein de l’Écho des savanes, Fluide Glacial et Charlie Hebdo. Il rejoint le monde de la Bande Dessinée en 2005, en publiant son premier album « Il faut tuer José Bové », une critique caustique des altermondialistes. S’en suivront de nombreux bestseller, tels que Silex and the city ou 50 nuances de Grecs, tous deux adaptés en séries d’animation pour Arte. Il est également depuis 2016 le scénariste du célèbre cow-boy qui tire plus vite que son ombre, Lucky-Luke.
L’appel du vin
Jul a été initié aux mystères de la vigne et du vin lors de ses études en Prépa Histoire-géographie. Un véritable déclic pour cet épicurien pendant ses nombreuses heures consacrées à la géologie, la géomorphologie (l’étude des formes du relief terrestre) et la géographie urbaine (étude de l’organisation spatiale de la ville). Des matières en apparence hermétiques mais qui l’ont malgré tout rapproché peu à peu de cet univers passionnant qu’est le vin : « Quand je suis arrivé en prépa, j’ai rencontré deux professeurs charismatiques qui m’ont passionné par leur enseignement et leur approche inhabituelle de la géographie. Le cœur incandescent de cette discipline pour eux, était le vin, le vignoble, le terroir. Nous étudions d’abord les cartes des vignobles, la géologie des sols. Pour nous récompenser de nos heures d’attention et d’assiduité, ils joignaient l’utile à l’agréable en débouchant une bouteille qui illustrait à la perfection le lieu précis de notre étude. Ils pouvaient parfois inviter chez eux un groupe de 20 élèves, à la campagne, et nous ouvraient avec générosité leur cave confidentielle. J’ai pu découvrir ainsi des nectars fabuleux ».
Le dessinateur a conservé en lui cette passion de jeunesse. Quelle est la cave idéale d’un dessinateur de Bande Dessinée ? Une cave éclectique où l’ensemble des appellations sont représentées. Il affectionne cependant le Montravel qu’il a pu découvrir lors de l’une de ses pérégrinations dans le Périgord : « Je ne suis pas un inconditionnel d’une appellation en particulier. J’ai cependant un principe, celui de préférer boire moins de vin mais déguster le meilleur. Avec mes amis d’enfance, nous avons instauré depuis de nombreuses années un rituel. Ils me « forcent » à organiser tous les deux mois une soirée que nous avons appelée « Vins et Viandes », ils me laissent le choix du liquide car ils connaissent la qualité des flacons de ma cave.
Bande-Dessinée et vin, une alchimie
Jul nous dépeint ce mariage quasi parfait : « Mon travail à moi est la BD d’humour. À travers mes albums, mes dessins animés, je recherche avant tout le partage, la convivialité. Ce sont des valeurs que l’on retrouve dans le vin et aussi dans la musique. Une espèce de trait d’union, quelque chose d’interrelationnel qui est précieux pour moi. J’ai aussi remarqué que lors de mes voyages autour du monde, mes albums étant traduits en plusieurs langues, les endroits où l’on aime la BD sont quasiment toujours situés dans des lieux où l’on apprécie particulièrement le vin. Je pense à l’Argentine. J’ai pas mal exposé à Buenos Aires, le culte Latino du vin a été quelque chose que j’ai particulièrement adoré ».
Souvenirs d’enfance en Terres du Périgord
Cet agenais d’origine se souvient avec nostalgie de ses escapades et moments privilégiés en Dordogne. Ses vacances, où sur le trajet Agen-Paris, sa famille faisait une halte dans un gîte du Périgord : « je revois mon père aider un ami agriculteur à faire les foins. Moi, j’étais dédié à mon élevage d’escargots. À cette époque, on trouvait quantité d’escargots de Bourgogne. Avec ma naïveté d’enfant, je me demandais toujours, pourquoi il y avait ce type d’escargot dans ce département du Sud-Ouest, je les appelais les escargots de Dordogne ». Jul a su puiser dans les nombreuses richesses historiques, patrimoniales de ce Périgord afin d’enraciner son travail de dessinateur, notamment avec sa série à succès « Silex and the city » : « C’est une région très importante pour moi, le monde du paléolithique occupe une place de premier ordre dans mes dessins. J’ai pu ici y trouver des sources d’inspiration précieuses, détails préhistoriques et des vestiges d’un lointain passé magnifiques, qui ont sans nul doute guidé mon crayon ».
Le 9 septembre est sorti son 1er « livre sans image » comme il se plait à la rappeler, aux éditions du Seuil, « 50 nuances de Grecs », tiré de la bande dessinée éponyme. Une sorte de roman feuilleton aux frontières de l’humour, de l’histoire et de la critique sociale.
L’autre grand évènement de l’année en octobre, attendu tous les deux ans par de nombreux fans, est le nouvel album de Lucky Luke. Il nous confie son titre en avant-première : « L’arche de Rantanplan ». Une histoire qui se déroulera dans une ambiance végane avec comme point de départ la création historique de la SPA aux États-Unis en 1966. Une fin d’année riche en actualités, puisque Jul nous annonce avec fierté la sortie de son premier Album Spirou chez Dupuis le 25 novembre prochain en tant que scénariste. Son titre « Spirou chez les fous ». Tout un programme !
Texte Bertrand Ballesta
Photo Bénédicte Roscot