Pour ce nouvel épisode de la Recette à 4 mains, nous vous emmenons sur les hauteurs de Bergerac, au Château du Rooy. Si la propriété est aujourd’hui reconnue pour la qualité de ses vins de Rosette et Pécharmant, c’est grâce au travail acharné mené depuis 23 ans par Gilles et Laetitia Gérault pour restructurer et développer la propriété. L’une de leurs trois filles, Chloé, âgée de 25 ans, a rejoint l’aventure en 2020 et s’apprête à s’installer au côté de
ses parents. Mère et fille se sont mises aux fourneaux pour nous concocter une délicieuse recette de noix de Saint-Jacques au vin de Rosette. L’occasion
d’échanger avec elles sur le passage de relai qui s’opère.
Le Mag 247 – Chloé, quand et comment cette idée de devenir vigneronne a-t-elle germé ?
Chloé – Relativement récemment en fait. Quand j’étais plus jeune, j’étais plutôt attirée par les animaux et l’élevage. Je voulais être « fermière comme tata Josette ! ». Au lycée, je me suis donc orientée vers un bac STAV (ndlr : Sciences et Technologies de l’Agronomie et du Vivant) et j’ai fait mon premier stage en élevage. Mais j’ai été un peu déçue… Et puis, lors de ma formation, j’ai été amenée à visiter la cave coopérative de Saint-Émilion. L’ambiance du chai, les odeurs… Je me suis sentie chez moi. A cette même époque, je me suis mise à lire la série de mangas Les Gouttes de Dieu. Et j’ai pris conscience de toute la dimension culturelle, voire mystique et onirique du vin. Jusqu’alors pour moi, la vigne, c’était ce travail dur et un peu ingrat qui accaparait mes parents. Lorsqu’on est très jeune, on n’a pas encore accès au plaisir du produit final, à la manière dont le vin permet de rapprocher les gens. C’est donc seulement vers l’âge de 17 ans que je me suis dit « mais en fait c’est cool ! ».
Le Mag 247 – Laetitia, Gilles et toi espériez cette révélation ?
Laetitia Gérault – Pas spécialement ! Le Château du Rooy, c’était notre aventure à nous, quelque chose que nous avions créé et pas que l’on nous avait transmis. Nous n’avons pas le poids de cet héritage et surtout nous ne voulions pas l’imposer aux filles.
Chloé – Au contraire, lorsque j’ai commencé à évoquer ma spécialisation en viticulture et œnologie, vous m’avez dit « Tu es sûre que c’est ce que tu veux ? » et il a presque fallu que je me fâche pour que vous compreniez que c’était sérieux !
Laetitia – Nous voulions être sûrs que tu voulais vraiment le faire pour toi et pas pour nous. Que tu prennes aussi le temps de voir autre chose avant de venir travailler avec nous.
Chloé – Oui, c’était important que je puisse me faire ma propre expérience, voyager avant de revenir m’ancrer ici à Bergerac. Je suis notamment allée en stage dans une pépinière en Angleterre pour parfaire mon anglais. Et entre mon BTS viti-oeno et ma licence professionnelle à Tours, je suis allée travailler 8 mois en Australie. Nous avons aussi décidé qu’avant de m’installer, je serai d’abord salariée pour nous permettre de vérifier que les choses se passent bien entre nous. Et c’est le cas !
Laetitia – Oui, on forme une belle équipe. On s’écoute et on est sur la même longueur d’onde. Maintenant que tu as trouvé ta place, il faut que tu apportes ta touche !
Le Mag 247 – Justement Chloé, quels sont tes projets pour le Château du Rooy ?
Chloé – J’ai cette chance de trouver un bel outil de travail. Même s’il reste quelques petites choses à rénover, mes parents ont fait un travail remarquable. Incontestablement, ce que j’aime c’est faire le vin. J’ai quelques idées pour de nouvelles cuvées. Un pétillant, un rouge en macération carbonique… Mais on va y aller progressivement. La question du réchauffement climatique me préoccupe. On en voit déjà les conséquences, notamment au niveau des degrés de nos vins et je crains que les choses ne s’accélèrent. Or, la vigne est une culture pérenne, on la plante pour 40, 50 ans. Il y a donc urgence à anticiper tout cela et si possible pouvoir le faire dans le cadre de l’AOP (ndlr : Appellation d’Origine Protégée). Mener cette réflexion de fond pour le château et nos appellations sera déjà un vaste projet !
Texte Alexandrine Bourgoin
Photos Loïc Mazalrey