Il y a 34 ans, Marianne et Philip Mallard tombaient amoureux de Pique-Sègue, « un terroir exceptionnel déjà répertorié au XIVe siècle par l’archevêque de Bordeaux » où s’épanouissent aujourd’hui 60 hectares de vignes en AOP Montravel. La particularité du domaine ? Son élevage de bovins de race limousine qui œuvre pour la reproduction d’animaux HBL à haute valeur génétique, conduit par Matthieu Michenau. Et depuis peu, une oliveraie qui a donné sa première récolte en 2023. Alors que Marianne et Matthieu nous concoctaient un délicieux sauté de veau façon Pique-Sègue, nous en avons profité pour les questionner sur leur métier, leur vision.
Marianne, vous avez fait l’acquisition de Pique-Sègue en 1990 avec votre époux Philip. Qu’est-ce qui vous a poussés à vous lancer dans cette aventure entre vins et bovins ?
Marianne – D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours planté ! Des radis lorsque j’étais petite, puis mon propre jardin. Après être sortie diplômée de l’École du Louvres, je suis entrée à l’École du paysage à Versailles. C’était un rêve d’enfant ! Les plantes m’ont toujours fascinée. Philip quant à lui a toujours été passionné par l’élevage. Lorsqu’il avait 11 ans, il gagnait son propre argent de poche en étant berger. Si par la suite, il a choisi de faire carrière dans l’immobilier d’entreprise, cet attrait pour les animaux ne l’a jamais quitté. Lorsque nous nous sommes connus, très vite nous nous sommes dit qu’un jour, nous aurions une exploitation agricole. En 1990, lorsque nous avons découvert ce domaine de 400 hectares entre vignes, bois, prairies et grandes cultures, il y avait beaucoup à faire pour le remettre en état. Mais le paysage, la présence d’eau, et la qualité exceptionnelle du terroir de Pique-Sègue nous ont séduits. Aujourd’hui, nous travaillons en équipe [NDLR : 10 personnes] pour, ensemble, sans cesse faire progresser le domaine.
Matthieu, vous êtes responsable de l’élevage à Pique-Sègue. Quelle est la particularité de cet élevage ?
Matthieu – Nous élevons des vaches de race limousine avant tout pour la génétique. Notre troupeau est composé de 240 têtes : essentiellement des mères et leurs veaux, mais aussi des taureaux. Et environ 50% de nos bêtes sont vendues aux enchères, en France ou à l’étranger, pour la génétique. C’est-à-dire que des éleveurs viennent choisir une vache ou un accouplement (vache accouplée à l’un de nos taureaux). Les principales caractéristiques de notre élevage sont une qualité de viande supérieure aux standards, ainsi que des limousines sans corne. Cela permet aux animaux d’éviter de se blesser entre eux. Le fait de disposer naturellement de cette caractéristique évite le recours à l’écornage, une pratique controversée vis-à-vis du bien-être animal. Nous avons mis 20 ans à faire émerger cette spécificité grâce à un travail de sélection naturelle. Nous sommes aujourd’hui leader en Aquitaine et parmi les 5 premiers élevages de Limousines sans corne en France.
Quelles similitudes voyez-vous entre la vigne et votre élevage de Limousines ?
Marianne – Les deux appartiennent au domaine du vivant… mais l’élevage, c’est du vivant qui bouge tout le temps et qui a des opinions ! L’un comme l’autre demande beaucoup d’humilité, une profonde volonté de comprendre les choses.
Matthieu – Je dirais aussi que les deux concourent à l’expression et la valorisation des terroirs. Lorsque j’étais étudiant, on nous apprenait que le sol n’était qu’un support. Mais c’est bien plus que ça, c’est vivant ! La génétique est une chose, mais ce sont les conditions d’élevage qui lui permettent de s’exprimer. À Pique-Sègue, les prairies et terres disponibles, la qualité des sols, la présence d’eau, permettent un élevage très extensif et une alimentation d’excellence pour nos bêtes. Cela se ressent au niveau de la qualité de la viande. Nous aimerions d’ailleurs pouvoir en faire profiter les clients du domaine. C’est pourquoi nous travaillons en ce moment avec un abatteur sur un projet de vente directe de viande à Pique-Sègue.
Marianne – La présence des deux ateliers sur le domaine permet une grande cohérence au niveau de l’exploitation. L’élevage valorise parfaitement les terres où il n’y a pas de vigne, et inversement. On revient à la polyculture finalement ! Les changements climatiques nous obligent aussi à penser différemment nos systèmes d’exploitation. Il faut avoir plusieurs cordes à son arc pour faire face aux catastrophes climatiques, et des cordes complémentaires. À Pique-Sègue, nous prenons les vents d’Ouest : nos noyers n’ont pas résisté et sont tombés avec les tempêtes. Alors nous avons replanté des oliviers. Nous avons fait cette année notre première récolte d’huile d’olive : je vais en utiliser pour notre recette !
Merci à Marianne et Philip pour leur accueil, ainsi qu’à toute l’équipe du Château Pique-Sègue.