L'été dernier au Festival des jeux du théâtre de Sarlat, actuellement à Paris au Théâtre des Mathurins, le comédien Jérôme Kircher incarne Stefan Zweig dans Le Monde d’Hier.
Nous sommes dans la cour de l’Abbaye Sainte-Claire à Sarlat. L’édifice – très beau dans la lumière de ce soir d’été périgourdin – a été restauré et abrite désormais 26 logements sociaux. Leurs fenêtres donnent sur la cour et à la dérobée apparaissent des visages curieux de la scène se déroulant en bas. C’est moins discrètement que les matous du quartier signaleront leur présence, arrachant quelques rires au public.
Mais leur tentative de diversion sera vaine : très vite notre attention toute entière sera happée par cet homme en pardessus, tête chapeautée, qui nous conte tout en douceur et nostalgie l’inéluctable déclin d’une Europe pourtant si éclairée. Jérôme Kircher incarne Stefan Zweig. Pour la première fois, Le Monde d’Hier, dernière œuvre de l’écrivain viennois de confession juive dont le manuscrit a été déposé en février 1942 la veille de son suicide, est adapté au théâtre. De la bouillonnante Vienne d’avant le crépuscule, et l’atelier de Rodin à Paris, à l’exil londonien et l’ultime Brésil : les extraits sélectionnés par Jérôme Kircher et Laurent Seksik témoignent d’un XXème siècle où l’Europe fut le théâtre de « la plus effroyable défaite de la raison et du plus sauvage triomphe de la brutalité ».
La mise en scène est sobre, dépouillée. L’interprétation de Jérôme Kircher est intime, parfois fébrile, toujours sensible. Dans la bouche du comédien, chaque mot de l’écrivain pourtant né en 1881 résonne de manière terriblement contemporaine et questionne l’humanité en chacun de nous, bien au présent.
A.B.
- Adaptation Laurent Seksik
- Interprétation Jérôme Kircher
- Mise en scène Patrick Pineau et Jérôme Kircher
- Au Théâtre des Mathurins à Paris jusqu’au 2 avril 2017