Pionnier de la navigation en solitaire, il prolongera son tour du monde en remontant la Dordogne jusqu’à Bergerac, en hommage à son « port d’attache », où il est accueilli triomphalement après une circumnavigation* restée exemplaire dans l’histoire de l’exploration maritime. À la fin de sa carrière, ce capitaine au long cours avait en effet jeté l’ancre dans le sud bergeracois, à la Chartreuse du Bignac, à Saint-Nexans.
L’histoire ne conte pas trop les raisons qui ont poussé ce marin breton à faire escale dans le Bergeracois, après une vie passée sur les grands voiliers à sillonner les mers australes, comme officier de marine puis capitaine pour les plus illustres compagnies maritimes (Chargeurs Réunis et la Transat). Le secret des charmes du Périgord aux douces ondulations des collines verdoyantes a ainsi remplacé pour un temps les camaïeux turquoise des horizons marins…
Jeune retraité dans son domaine bergeracois, Louis Bernicot ressent néanmoins très vite la nostalgie des océans. Peu intéressé par l’activité agricole, il délègue volontiers les rênes de la propriété à son épouse, et se consacre à la préparation de son rêve, un tour du monde en solitaire.
En 1936, alors âgé de 53 ans, il embarque à Carantec à bord de L’Anihita, cotre commandé sur mesure aux chantiers navals de ce port breton, pour l’aventure de sa vie. Madère, le détroit de Magellan, Tahiti, l’Île Maurice, la Réunion, Durban et Cape Town… ce gentleman navigateur (à défaut d’être un gentleman farmer !) franchira toutes ces étapes avec brio et élégance et sera alors le quatrième marin en solitaire à réussir cet exploit, resté quel peu dans l’ombre dans l’histoire des grands navigateurs…
Après quelques autres périples, il finira ses jours à la Chartreuse du Bignac où il s’éteint en 1952 après avoir écrit « L’aventure de l’Anihita ». Une plaque à son honneur a été érigée, quai Salvette, où les bergeracois avaient salué comme il se doit la victoire de l’explorateur breton lors de son retour en 1938.
Sa propriété, la Chartreuse du Bignac a été rachetée en 2001 par Brigitte et Jean-Louis Viargues, qui avec goût et patience, ont restauré la bâtisse, son moulin et ses pièces d’eau attenantes pour en faire un petit hôtel**. Il y règne l’atmosphère d’une belle maison de famille. Discrètement niché dans une nature intacte, ce véritable havre de paix est prisé des touristes de lointains horizons venus y faire escale. À la terrasse du restaurant gastronomique, au panorama imprenable sur une vallée préservée, comme de toutes parts dans les jardins environnants, la vue est propice à la contemplation et à la rêverie. Elle a sans aucun doute inspiré Louis Bernicot pour son extraordinaire expédition !
*Voyage maritime autour d’un lieu, un continent ou autour du globe.
Texte Marie-Pierre Tamagnon
Illustration Yann Hamonic