Détermination, passion, persévérance et humilité tels sont les principaux traits de caractère de la jeune athlète Manon Hostens. Cette « guerrière » des rivières, véritable dompteuse des courants, inspire admiration et respect. La périgourdine kayakiste incarne la fierté de toute une région. Cette Dordogne qui lui est chère, son terrain de jeu favori, sa source d’inspiration.
Une graine de championne
À l’âge de 6 ans, Manon quitte sont Nord natal pour rejoindre, avec sa famille, la douceur et la beauté pittoresque du Périgord. C’est dans ce cadre idyllique qu’elle découvrira non seulement les joies de la glisse sur l’eau mais aussi les valeurs de respect et de communion avec la nature qui l’accompagneront tout au long de sa carrière. Son grand-frère Quentin sera le déclencheur d’une passion qui marquera à jamais la vie de la jeune Manon. En 2000, captivé par la victoire de Tony Estanguet aux Jeux Olympiques, il est frappé d’une révélation : il veut se lancer dans le kayak. Deux ans plus tard, Quentin s’inscrit au club de canoë-kayak de Castelnaud-la-Chapelle et y entraîne malgré elle sa petite soeur : « Le kayak ne m’attirait pas du tout à l’époque. J’adorais faire du sport dans le Nord, de l’escalade et de la gym. On m’a forcé à accompagner mon frère pour la première séance. Et là quelque chose d’extraordinaire s’est produit. Je me suis assise dans un kayak au pied du château de Castelnaud, un cadre exceptionnel, et dès les premiers coups de pagaie, la magie a opéré. Je suis tombée immédiatement amoureuse de cette discipline. »
Commence alors, un long apprentissage, en apprivoisant jour après jour les caprices d’un courant joueur et en découvrant les richesses offertes par Dame nature : « Sur cette Dordogne, j’ai appris les valeurs profondes du canoë-kayak. Je me suis imprégnée de cette faune si particulière, des paysages changeants et des odeurs envoutantes de la brume du matin et des feuilles mortes. Cela n’a pas de prix. » Même si la jeune Manon a toujours été poussée par un esprit de compétition hors du commun, elle privilégie dans un premier temps le sport plaisir, tout en se dépassant à chacun de ses entraînements. Le potentiel de la jeune championne sera vite révélé lors de ses premières courses départementales et régionales.
On détecte alors en elle la détermination et la hargne unique qui façonnent les champions de demain. Mais un dilemme
va venir perturber cette compétitrice dans l’âme : intégrer le Pôle Espoir canoë-kayak ou celui de la section basket, car Manon excelle aussi dans les sports collectifs. Poussée par son frère et son père, son premier supporter de toujours, en 2009 elle choisira la voie du kayak en rejoignant le club de Périgueux et en intégrant le Pôle Espoir. Le début d’une grande carrière se profile à l’horizon.
La rançon du succès
À partir de là tout s’accélère : sélection en équipe de France juniors et participation à la première édition des Jeux Olympiques de la Jeunesse à Singapour à l’été 2010. Une belle expérience prémonitoire pour les années qui suivront. Elle a tout juste 16 ans ! En septembre 2012, Manon passe en catégorie sénior. Menant de front des études en école de kinésithérapie, elle continue à s’entraîner de manière intensive et parvient à décrocher plusieurs titres et médailles internationales. 2016 est sans doute son année fétiche, l’année de son quadruplé, elle rêve de devenir championne du monde de descente. On accepte enfin qu’elle puisse participer aux mondiaux un mois et demi avant les JO de Rio. C’est la consécration, victoires dans la classique, le sprint, en individuel et en équipe. Elle représentera ensuite la France aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 avec une 7e place en course en ligne K2 sur 500 mètres, une 23e place en course en ligne K1 sur 500 mètres et une 9e place en course en ligne K4 sur 500 mètres (1re place en finale B). Après Tokyo, Manon entame alors une traversée du désert, affectée par le décès prématuré de son guide spirituel, son père.
Paris 2024, l’année du renouveau…
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été certainement pour elle une révélation, un déclic salvateur lui ayant donné la force de vaincre et de combattre jusqu’au bout. Manon a retrouvé son âme de « guerrière » du Périgord, son envie de dépasser ses limites. Elle se plait à citer le discours de la cérémonie d’ouverture de Tony Estanguet : « On est à Paris, c’est la ville de l’amour, on va vous donner des jeux de l’amour… » Bien que sceptique par ses belles paroles, elle conviendra que ses jeux ont été à la hauteur de ce qui avait été promis : « Paris, cela a été un truc de ouf ! Un moment très très fort. Une communion unique avec un public incroyable. Une bouffée d’oxygène qui m’a remis en selle et m’a redonné envie de me battre. Des gens ont découvert cette discipline confidentielle et beaucoup de périgourdins ont fait le déplacement pour m’encourager. Sans le savoir, ils m’ont donné la force pour repartir au combat. »
Une ambassadrice du Périgord
Cette périgourdine d’adoption ne peut se passer de son Périgord qui fait partie intégrante désormais de sa vie. Elle possède d’ailleurs un rituel bien à elle afin de gérer le stress pré-compétition : « Avant chaque compèt importante, je me plais à venir me réfugier 2 ou 3 jours dans le Périgord. Une mise au vert pour recharger les batteries et faire du jus. Je viens puiser ici l’énergie nécessaire pour continuer, je me sens paisible, prête, avant de retourner à la guerre de la compétition ». Son nom a d’ailleurs été donné à la nouvelle plaine des sports de Sainte-Alvère, une consécration que la sportive de haut niveau évoque avec humilité : « Quand on me l’a proposé, j’étais hyper fière, je me suis dit Waouh, c’est incroyable. Un tel privilège est souvent offert soit à des sportifs qui sont médaillés olympiques ou soit à des noms du sport qui sont morts. Je n’étais ni l’un ni l’autre. J’ai accepté ce privilège et ce devoir avec un immense plaisir. » Manon Hostens est porteuse d’un message d’espoir et de persévérance pour tous ceux qui sont dans la difficulté ou dans la recherche d’un jour meilleur : « Je me suis construite autour du sport. Le sport m’a aidé, il m’a fait grandir. J’encourage les personnes à aller faire une activité physique quelle qu’elle soit. Cela permet d’évacuer son surplus d’émotion, de trouver un équilibre psychologique, qui permet de se sentir bien et d’avancer sereinement dans la vie ».
Destination USA 2028
Elle qui pensait que les jeux de Paris seraient ses derniers et qu’ils sonneraient la fin de sa riche carrière. La voilà regonflée à bloc, prête à affronter les défis sportifs à venir avec sa folie que l’on connait si bien. La Manon compétitrice, la Manon passionnée, déterminée, qui saura encore et toujours enflammé le lit de nos rivières. Elle reprendra dès la fin du mois d’octobre les chemins des championnats de France, puis enchaînera les compétitions : Coupe du Monde, Championnats d’Europe et du Monde pour enfin rejoindre son graal à elle, les Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028. Son mot de la fin : « J’ai encore quelque chose à aller chercher en course en ligne que je n’ai pas encore touché du doigt, j’ai beaucoup appris mais j’ai tant à apprendre encore. Je me sens encore plus vivante que jamais sur l’eau, je repars pour 4 ans, c’est beau la compét ! Le rêve d’une médaille olympique est à portée de pagaie ».
Texte Bertrand Ballesta
Photos Luc Fauret
Jeux Olympiques
2016 • Rio de Janeiro • 12e • Course en Ligne K4
2020 • Tokyo • 7e • Course en Ligne K2 • 500m
2020 • Tokyo • 23e • Course en Ligne K1 • 500m
2020 • Tokyo • 9e • Course en Ligne K4 • 500m
2020 • Tokyo • 1re • Finale B
2024 • Paris • 5e place • Finale B du K2 • 500 mètres avec Vanina Paoletti
2024 • Paris • 5e place • Demi-finale K1 • 500 mètres
Jeux Olympiques de la Jeunesse
2010 • Singapour • 8e • Course en Ligne K4 Championnats du Monde
1 titre de Championne du Monde Classique en individuel (senior)
1 titre de Championne du Monde Sprint en individuel (senior)
5 titres de Championne du Monde par Équipe (senior)
1 titre de Championne du Monde par Équipe (junior)
Coupe du Monde
1 médaille d’or à la Coupe du Monde de Course en Ligne en K4
Championnats d’Europe
5 titres de Championne d’Europe (3 en senior et 2 en junior)
1 titre de Championne d’Europe Course en Ligne K2 500 m
Championnats de France
26 titres de Championne de France (18 en senior et 8 en junior)
1 titre de Championne de France des régions
K1 Kayak monoplace, où un seul pagayeur est présent.
K2 Kayak biplace, avec deux pagayeurs.
K4 Kayak quadruple, comportant quatre pagayeurs.