Ses affinités de toujours avec la gastronomie l’ont conduit tout naturellement après de brillantes études de gestion et marketing à se spécialiser dans l’édition d’ouvrages de gastronomie. Le rachat du vénéré guide Lebey, la bible des gastronomes parisiens a constitué un point fort de cette aventure éditoriale.
Le goût en héritage
Comme souvent, le goût est un héritage intimement lié aux souvenirs d’enfance, et ceux de Pierre-Yves sont pleins de saveurs.
Une mère qui aimait recevoir autour de jolies tables et de repas « réfléchis » lui a transmis cette affinité pour l’art de vivre. Tandis que son père emmenait volontiers son fils cadet lors de ses voyages à travers la France en faisant étape dans les bonnes tables, à proximité de nationales ombrées de platanes. Une belle époque où l’on savait voyager à un train de sénateur !
Un diplôme siglé d’une prestigieuse école de commerce en poche, Pierre-Yves saisit l’opportunité de créer une agence de presse éditoriale avec un partenaire. L’idée de se spécialiser dans des publications autour de l’art de vivre et la gastronomie semble comme une évidence, inspirée par un vrai esprit de découverte. Aller sur le terrain, découvrir des adresses, un savoir-faire, un art de vivre… « Le travail devient ainsi un plaisir quotidien » pour celui qui était destiné à une carrière de gestionnaire. Dans les années 1990, outre la production de magazines, notamment « Grands Reportages », l’agence se spécialise dans les suppléments « cuisine-gastronomie » de titres comme Avantages, Elle à Table, le Chasseur Français.
L’aventure éditoriale
Au cours de cette aventure éditoriale, Pierre-Yves lance son propre magazine, « Cuisine et Terroir » dont il est rédacteur en chef. Avec un concept précurseur de la presse gastronomique actuelle : dès 1995 ce magazine met en valeur les artisans d’une France provinciale, la rédaction est confiée à des épicuriens fin lettrés et fin-limiers, lancés à la recherche d’une gastronomie authentique. À commencer par son rédacteur en chef qui s’octroie en toute légitimité la rubrique « Cordon bleu amateur ». Aller débusquer au fin fond de vallées perdues un talent culinaire : une aventure dont il raffole ! « Découvrir des petits villages avec l’envie de frapper à la porte… », il voit se concrétiser son rêve d’enfant, lorsqu’il parcourait la France, sagement assis à l’arrière de la berline paternelle…
Un des premiers reportages l’amène au fin fond du Périgord, à la limite de la Corrèze, poussé par la curiosité de connaître celle qui est à l’origine des premiers stages de foie gras à la ferme. L’occasion, au milieu des bois de chênes truffiers d’une belle rencontre avec Danièle Mazet-Delpeuch, une aventurière du goût, elle aussi, dont le parcours la mènera « du Périgord à l’Elysée », titre de sa savoureuse autobiographie 1.
Le rachat des éditions Lebey marque l’apothéose de cette épopée éditoriale
Pour qui rêvait du vrai bistro parisien, au décor et à l’ambiance typique, le guide Lebey permettait de dégoter l’adresse parfaite en déjouant les pièges à touristes, pour déguster une cuisine « franche du collier », avec ses mets si délicieusement « canaille », assortie d’une carte des vins inspirée. Toutes ces valeurs, celles de l’épicurien fondateur, Claude Lebey, sont reprises à la lettre par Pierre-Yves Chupin, qui modernise le guide et le dote d’une diffusion démultipliée, numérique oblige ! En parallèle, des évènements prestigieux comme « l’Excellence gastronomique »2, renforcent sa notoriété et les liens avec les quelques 2 000 établissements triés sur le volet référencés « Lebey ». Un pan entier du patrimoine culinaire français ! L’Excellence met un point d’honneur à valoriser les jeunes talents tout en restant fidèle à un sage principe, celui de parler des plats plus que des chefs à une époque où la mode est à la starisation à tout prix.
Pierre-Yves Chupin, à droite, membre du jury du Festival du Livre Gourmand de Périgueux avec Olivier Rollinger, au centre, Président de l'édition 2023
Le Périgord ? Une promesse d’atouts uniques…
Pour cet homme de goût, dont la carrière est constellée de tables de rêve et de sites idylliques, le Périgord, découvert récemment, est une révélation. Il le définit comme « un tout incluant l’architecture, les paysages, la table et composant un moment unique ». Un des rares lieux, à ses yeux, épargnés par les autoroutes, les gares TGV… où les villages ont gardé leurs limites historiques, bordées par des champs, des prairies et des bois… La découverte de la bastide médiévale de Monpazier à la limite du Périgord Pourpre et à l’orée du Périgord Noir, lors de récentes vacances estivales fut ainsi une révélation. De la halle centrale, à la magnifique charpente, on s’évade à travers d’étroits carreyrous 3, où s’alignent de belles demeures historiques, ornées de rosiers odorants, vers les remparts qui ceignent le village. Et de là, le regard embrasse une nature champêtre et radieuse à perte de vue.
« Le vin, produit essentiel pour la lecture des terroirs »
Côté vignoble, la découverte de pépites parmi les appellations bergeracoises, comme la cuvée « Lei Peires » du Clos du Breil ou encore « Panache » du Château les Donats lors d’un dîner organisé par le Guide Lebey au café des Ministères à Paris l’a définitivement convaincu de ressentir leurs terroirs de plus près.
Un dîner au Vieux Logis, ancienne auberge relais de poste devenu Relais & Château au cœur du paisible village de Trémolat, est le théâtre d’un autre coup de foudre, cette fois pour les cuvées de Pierre-Jean Sadoux du Château Court les Mûts. « Des blancs secs étincelants de fraîcheur qui se livrent dans l’immédiateté, des rouges gourmands et élégants offrant un bel équilibre de saveurs ».
Corollaire indissociable de la gastronomie, le vin joue un beau rôle dans les éditions Lebey qui sont par ailleurs intégrées au groupe Bettane & Desseauve, éditeur du fameux guide éponyme. « Véritable richesse du patrimoine par sa variété de goûts et de saveurs, le vin est essentiel pour la lecture des terroirs » aux yeux de cet originaire de Vendée, proche du vignoble du Muscadet. Il commente avec fierté les progrès qu’a connu ce vignoble, de même que certaines cuvées de vignerons vendéens qui se font remarquer.
Gardien d’un goût authentique, au-delà des modes et influences (et influenceurs !) en tous genres, tout en étant en phase avec une cuisine moderne, illustrée par de jeunes pousses de chefs prometteurs, Pierre-Yves est le digne ambassadeur d’un art de vivre à la française qu’il contribue largement à promouvoir et perpétuer.
Olivier Verhelst, à gauche, du Château Les Donats et Pierre-Yves Chupin lors d’un déjeuner « Vins de Bergerac et Duras » à Paris
1. « Carnets de Cuisine : du Périgord à l’Elysée », Editions Bayard.
2. Événement où sont décernés par les restaurateurs des trophées sur les meilleures créations culinaires de l’année. Un dîner de la gastronomie réalisé par trois grands chefs clôture la remise de prix aux 16 lauréats.
3. Ruelles étroites qui quadrillent la bastide à partir d’une halle centrale, selon le plan géométrique caractéristique de « ces villes nouvelles », créées au Moyen Age en Aquitaine.
Texte Marie-Pierre
Photos Pierre-Yves Chupin, Petite Souris
