Enfin les beaux jours. Finis les manteaux, on passe au jardin. Le barbecue est de la fête. Côte de bœuf ou merguez ? Et pourquoi pas un bon Poulet du Périgord ? En brochettes, sous forme d’aiguillettes marinées (ou pas), à la ficelle, à la broche… Soyons fous, le poulet se prête à toutes les cuissons, rapide sur la plancha, mijoté en cocotte, classique au four, saisi sur la flamme pour garder tout son croustillant. Le poulet, c’est un avant-goût des vacances garanti, alors autant bien le choisir.
Parce que ce sont ceux qui le produisent qui en parlent le mieux, nous sommes allés à la rencontre de Pascal Liabaste qui élève des poulets du Périgord à Lunas. Il est même un pionnier dans cette filière qui n’a fait que se développer depuis son installation dans les années 1990. Depuis 4 ans, Pascal est aussi le président de l’association qui porte et défend le label et l’IGP (Indication Géographique Protégée) qui protègent cette marque.
Rencontre avec un fervent défenseur du poulet élevé en plein air de façon traditionnelle, la technicité d’un élevage professionnel en plus. La troisième des escapades savoureuses, proposées par Périgord Attitude Le Mag, nous plonge au cœur des saveurs de l’enfance.
Pascal Liabaste, comment décide-t-on un jour de produire des poulets et d’en vivre ?
À Lunas, nous nous trouvons dans le Landais, ce territoire qui précède la forêt de la Double est caractérisé par des sols pauvres. L’agriculture n’y a pas prospéré comme ailleurs. Nous sommes ici sur de petites structures. Quand j’ai souhaité m’installer en 1990, j’ai pensé à une production hors-sol. Mes parents étaient éleveurs de bovins. J’ai souhaité m’installer à côté d’eux, mais de façon indépendante. Comme ça, si j’échouais dans mon projet, ils ne seraient pas touchés par mon échec.
Dans les années 1990, faire de l’élevage de poulets son activité principale était un peu aventureux ?
Ce n’était pas commun en effet. Mais, en réalité, j’ai commencé d’abord par produire des canards prêts à gaver en louant une ferme où cette production était en place. Très vite, j’ai eu l’idée de monter un bâtiment de poulets. À 7 kilomètres de chez moi, l’entreprise Blason d’Or, spécialisée dans l’abattage des volailles, se développait. Les débouchés étaient là. J’ai commencé avec un bâtiment de 4 400 poulets. Aujourd’hui, j’en suis à huit bâtiments, dont deux qui sont à la pointe de ce qui se fait de mieux en matière d’automatisation. Être dans une filière tonique, qui se développe, ça aide à progresser vite. Comme j’ai des activités extérieures aujourd’hui, à la mairie et dans ma filière, j’ai créé des emplois. Deux personnes travaillent en permanence ici, en plus de mon épouse qui s’occupe de toute la partie administrative. Je fais aussi appel à des prestataires, pour les enlèvements et les nettoyages désinfections pendant les vides sanitaires.
Parlez-nous de la création de l’identification Périgord : visait-elle à se protéger de la concurrence ?
Nous voulions avant tout revendiquer une qualité produite en Périgord. C’est une démarche collective, une démarche de filière, qui a pris du temps pour aboutir, et nous a fait réfléchir à l’ensemble de nos pratiques. Nous bénéficions déjà de la reconnaissance du Label Rouge, obtenu dès 1965. Nous avions des exigences : obtenir une production qualitative rationnelle et régulière. Nous avons cherché ce qui faisait le plus du Poulet du Périgord. Nos pratiques ont été mises à plat, nous avons listé ce qui pouvait marquer une différence, une qualité spécifique. Ainsi, en Périgord, nous mettons du grain sur la litière, ce qui a la vertu de la régénérer et la qualité de la litière évite bien des problèmes sanitaires. Moins de problèmes, c’est moins d’antibiotiques pour lutter contre. Nous complémentons l’alimentation de nos poulets, à base de céréales, avec de l’argile, la bentonite, qui est un véritable pansement gastrique pour nos volailles. Là aussi, moins de maladies, des poulets sains, dont la chair a une tenue exceptionnelle. Nous avons obtenu l’IGP en 2015.
Comment peut-on être sûr que le poulet dans notre assiette est bien du Périgord ?
Les poulets du Périgord que nous vendons font leur poids, on peut manger à quatre gros mangeurs. C’est le bon poulet du dimanche, avec une chair qui se tient, qui ne fond pas à la cuisson. Sa viande est d’une qualité premium, à la fois ferme et juteuse. Aussi le succès est-il garanti avec toutes les préparations. Rôti avec des pommes de terre, pour les plus classiques, ou longuement mijoté avec lait de coco et tout le reste pour un plat exotique. C’est toujours meilleur quand c’est du poulet IGP, qu’on a laissé sortir sur des parcours d’au moins 8800 m2 pour respecter le cahier des charges. Faut-il le préciser ? Un poulet qui court est musclé, il n’en est que meilleur, avec une bonne tenue de viande. Même chose évidemment avec nos volailles festives, le chapon et la poularde, qui ont également obtenu l’IGP en 2016.
Que diriez-vous à un consommateur qui hésiterait encore à choisir de l’IGP Périgord ?
Goûtez-le une fois et vous verrez… En plus d’être garanties 100 % du Périgord, nos volailles ont été élevées, depuis l’arrivée du poussin à un jour jusqu’à sa sortie à douze semaines, dans le strict respect d’un cahier des charges exigeant. Les poulets du Périgord sortent, ils courent et consomment, en plus des céréales, de l’herbe, des cailloux. En choisissant des produits qui ont été élevés localement, on mange sain, on sait ce que l’on met dans son assiette, et en plus on soutient l’économie locale. C’est la seule façon d’avoir toutes les garanties de la qualité du produit, mais aussi celles que cette volaille a vécu dans son environnement naturel, et dans mon cas, sur les parcours du Landais, une excellente terre à poulets !
5,7 millions de poulets labellisés IGP Périgord et
48 000 volailles festives (chapons et poulardes)
La filière bénéficie de 2 labels : Label rouge / Appellation d’Origine Protégée
230 éleveurs sont engagés dans l’IGP Périgord
2 structures d’abattage et de commercialisation Blason d’Or à Bergerac et Fermiers du Périgord à Terrasson.
700 personnes travaillent dans la filière (des couvoirs aux abattoirs)
300 ha de surface en herbe servent aux parcours des volailles (soit l’équivalent de 430 terrains de rugby !)
Seuls les produits qui ont été élevés, abattus et transformés en Périgord peuvent prétendre à l’IGP Périgord. Son aire géographique est strictement délimitée. Un cahier des charges définit les méthodes d’élevage, d’abattage et de transformation. Ces méthodes visent à garantir la qualité et la traçabilité du produit, mais aussi elles s’assurent du respect des conditions d’élevage dans le sens du bien-être animal. Ainsi, tout poulet IGP s’est développé dans un environnement naturel : des parcours
d’au moins 8 800 m2 sont attenants aux bâtiments qui abritent les poulets. Quand l’élevage d’un poulet standard n’est que de 50 jours, avec une croissance rapide car il reste en bâtiment, le Poulet du Périgord est plus chanceux : il est élevé en plein air pendant une durée minimale de 81 jours.
L’alimentation du Poulet du Périgord est traditionnelle, à base de céréales, maïs, blé, triticale, complémentée de protéagineux, de minéraux et de vitamines. Mais sa présence sur les parcours, même de faible qualité agronomique, lui permet de consommer de petites pierres et des herbes qui vont lui garantir un système digestif de bonne qualité. Un poulet en bonne santé est un poulet qui choisit ce qui est bon pour lui dans la nature. CQFD.
Les français aiment manger de la volaille, 2e viande la plus consommée en France. Et trois quarts des volailles consommées en France sont des poulets. La consommation de volailles a doublé en 50 ans. Après une hausse spectaculaire des consommations
pendant le Covid où les français ont (re)découvert le plaisir de cuisiner, le marché a tendance à pâtir de l’inflation, les consommateurs se tournant vers des viandes moins onéreuses, comme le porc ou le bœuf.
On estime qu’en France, 28 kg de volailles sont consommés par an et par habitant, c’est-à-dire qu’en moyenne, le français consomme deux fois par semaine de la volaille. Hélas, inflation oblige, les ménages ont tendance à se tourner vers du poulet importé à bas coût (et à piètre qualité gustative !). Il est plus que jamais nécessaire de défendre le savoir-faire avicole français. Cocorico !
Texte Nelly Fray
Photos Loïc Mazalrey, Akim Bendrahim – Com Image